GEORGES BRASSENS ET MOI

La musique, qui m’a de tout temps passionné,
M’envoûte depuis le jour où j’ai rencontré
Le fier, le bravache le croquenote qui
Ciselait le texte sans délaisser le manche
Sa rigueur inégalée une avalanche
D’accords bénis en guise de bonheur infini

Le premier souvenir que l’homme m’ait laissé
Des infos télévisées il me reste gravé
On annonçait qu’un type avait cassé sa pipe
Cette espèce de gredin avait plaqué son chêne
Trouvant réponse favorable qu’on s’en souvienne
Le sapin de son cercueil l’avait pris en grippe

J’avais onze ans, quant sa dernière heure a sonné
Mais c’est un peu plus tard que moi j’ai mal tourné
Car autrefois si je pensais merde tout bas
Ou si je rêvais de chasser le papillon
C’était impossible pour un enfant question
D’éducation d’entendre sa verve de grand papa

En accord avec le codicille, sa volonté
Sur le sol natal à Sète on l’a enterré
Soyez sûr que si sur la grève, le sable fin
Un espèce de maraud vient lui chercher des noises
Un couplet vengeur écrira sur une ardoise
Avant de l’entonner sa guitare à la main

L’homme disait qu’une chanson était pour lui
Une lettre à un copain, deux cents en écrivit
Lui qui cachait sa pudeur derrière une moustache
On lui fit le reproche d’ainsi traiter de con
Le public, les gens et toute la population
Lui dont le cri de guerre fût toujours mort aux vaches

Riche de cœur, plein d’esprit il se jouait des mots
Pour le passé contre l’oubli, un peu myso
Je n’ai jamais compris son paradoxe avoué
Lui qui vécut en ermite dans un modeste chateau
Près des chats, son arbre, pas du tout exhibo
Refusant les trompettes pour Püppchen il chantait

Mais dans l’intimité ils étaient des milliers
Toussenot, Corne d’auroch et le prof Bonnafé
A le railler pour l’inspirer, en toute amitié
La mort, les femmes, les flics et les curés
N’avait pas bonne presse auprès du gorille
Libre à vous de vous mettre derrière une grille
Lui il tenait trop à sa si chère liberté

Et si depuis quelques temps ce monde il a quitté
Soyez sûr qu’au ciel il n’a pas oublié
De gratter la six cordes pour payer sa tournée
En mêlant quelques mots de sa riche pensée
Il a converti c’est certain les anges en athées
Pour un peu le retrouver, presque il me presserait

Vivian FERY (sept 2002)

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