Philippe FOREST
Aragon

“Aragon s'est beaucoup raconté, en prose et en vers ; il n'a cessé d'appliquer avec virtuosité le principe du «mentir-vrai» à sa vie riche déjà de tant d'énigmes et de paradoxes : enfant illégitime à qui le secret de ses origines fut longtemps caché ; antimilitariste décoré de la Grande Guerre puis médaillé de la Résistance ; dandy dadaïste devenu militant discipliné du parti de Staline et de Thorez ; poète surréaliste converti au réalisme socialiste ; homme à femmes – et quelles femmes! – métamorphosé en chantre de l'amour conjugal, avant de découvrir sur le tard le goût des garçons... Tous ces personnages différents n'en font qu'un seul dont l'itinéraire littéraire, intellectuel et politique transcrit le génie et le chaos du siècle.

Philippe Forest recompose à nouveaux frais le roman somptueux de cette longue existence, avec ses chapitres glorieux et ses pages lugubres. Il révèle le jeu de miroirs par lequel se réfléchissent l'œuvre et la vie d'un écrivain surdoué à qui aucune des formes de la littérature n'était étrangère. Et si cette œuvre continue à nous toucher, alors que cette vie n'en finit pas de nous déconcerter, c'est qu'elle possède une jeunesse, une insolence, une énergie sur lesquelles le temps n'a guère eu de prise.

Aragon a été aimé autant que haï, admiré autant que décrié, à la fois pour de bonnes et de mauvaises raisons. Il ne s'agit dans ces pages ni de l'acquitter ni de le condamner, mais d'en revenir au mystère même de celui dont on a pu dire qu'il avait été sans doute “le dernier des géants de notre temps”.

Ajoutons à cette présentation de l’éditeur que Philippe Forest dans le 53ème chapitre “Et la plus banale romance m’est l’éternelle poésie” de sa biographie évoque les rapports d’Aragon et de la chanson, la voix Ferré et la voix Ferrat, mais aussi évidemment Georges Brassens et sa mise en musique de “Il n’y a pas d’amour heureux”, cet immense et douloureux poème écrit aux temps sombres de l’occupation nazie et de la clandestinité.

Au fil de la lecture de cette épatante biographie nous avons découvert que le poète, dans “Le fou d’Elsa”, reprit ainsi le vers célèbre :

“Il n’y a pas d’amour heureux vous le savez
Cela se chante
A qui l’a dit on le reproche et veut prouver
Par notre exemple qu’il y eut dans la tourmente
Un paradis”

Nous ne saurions trop vous conseiller de vous procurer cet ouvrage définitif sur le Victor Hugo du XXème siècle

896 pages + 16 p. hors texte, 31 ill., sous couverture illustrée, 155 x 225 mm

Prix : 29 euros

Collection NRF Biographies, Gallimard (septembre 2015)

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